Le delay est probablement l’un de mes effets préférés. Je me souviens de la première fois que j’en ai essayé un, je me suis instantanément pris pour David Gilmour (enfin, pas longtemps). Il s’agit probablement d’un des effets les plus utiles mais le maîtriser demande un peu de pratique. Nous allons explorer dans une séries de billets les différents usages du delay : cette première partie est dédiée à la création de « rythmiques » et nous allons voir comment recréer un son à la U2. La deuxième partie sera consacrée à l’utilisation du delay pour grossir votre son ainsi qu’à la différence entre les delays analogiques et numériques.
Les bases du delay
Un delay est un effet qui répète une ou plusieurs fois les notes que vous jouez sur votre guitare, chaque répétition étant un peu moins audible que la précédente. Il s’agit du même effet rencontrés dans la nature lorsque l’on crie dans une vallée ou une grotte. En général, les termes delay et écho sont interchangeables mais il y a tout de même une différence : un écho offre un nombre limité de répétitions (comme dans la nature) tandis qu’en théorie un delay peut répéter à l’infini.
Le temps entre les répétitions peut être choisi grâce à un réglage nommé « delay time » sur la plupart des modèles de delay. Il est exprimé en millisecondes ou secondes et peut aller de quelques millisecondes à plusieurs secondes pour les modèles les plus sophistiqués. Le nombre de répétitions dépend d’un réglage nommé « feedback ». La plupart des modèles de delay offrent également un réglage de « mix » ou « level » qui détermine le mélange entre signal « sec » et signal affecté par le delay (l’intensité de l’effet en quelque sorte).
Pour résumer les trois réglages de base d’un delay sont le temps entre les répétitions (delay time), le nombre de répétitions (feedback) et l’intensité (mix/level). Un certain nombre de pédales modernes offrent plus de réglages et nous allons en évoquer certains dans cette série de billets.
Tempo et delay time
Vous allez souvent lire ou entendre que le temps de délai (delay time) doit être réglé en fonction du tempo du morceau que vous jouez. Je ne pense pas que cela soit toujours vrai. Si vous utilisez le delay pour créer un effet rythmique, comme The Edge sur beaucoup de morceaux de U2 ou comme sur « Run like Hell » de Pink Floyd, alors oui, le delay doit être réglé en fonction du tempo. Par contre, si vous utilisez le delay pour grossir le son comme nous le verrons dans la deuxième partie de cette série de billets, je ne pense pas que cela soit si important.
Utilisation du delay pour un effet rythmique : la croche pointée
The Edge, guitariste de U2, a fait de l’utilisation du delay sar marque de fabrique. Dejà au début de sa carrière, au début des années 80, il utilisait un delay pour faire croire qu’il jouait plus de notes qu’il n’en jouait en réalité. Le truc était que les notes « jouées » par le delay suivaient le tempo pour donner aux morceaux de U2 une pulsation particulière.
A l’époque, il utilisait des delays analogiques aux réglages parfois approximatifs ce qui signifie qu’il devait obtenir cet effet à l’oreille ce qui est faisable mais pas si facile. Cela signifie également que le batteur devait jouer de façon synchrone avec le delay. Ces contraintes ont d’ailleurs amené The Edge et U2 à abandonner l’utilisation du delay sur leur deuxième album « (War »). Cet abandon fut de courte durée car les albums suivants, aidés certainement par l’avènement des technologies numériques, montrent une utilisation sans retenue du delay sur des chansons comme Pride ou Where the Streets have no Name.
Il est relativement facile de nos jours d’obtenir le même effet en utilisant un delay numérique ou un plugin logiciel qui permet de régler le delay à la milliseconde près. Le delay à la U2 s’obtient en réglant le temps entre les répétitions (delay time) à la valeur d’une croche pointée, autrement dit 3/16ème de note. Le feedback doit être réglé de façon à obtenir 3 ou 4 répétitions et l’intensité (mix ou level) autour de 50%. C’est assez magique car une fois le delay proprement réglé, vous n’avez qu’à jouer des croches pour obtenir un effet rythmique des plus sympathiques (voir les exemples audio un peu plus bas).
Voici la formule pour calculer le temps de delay pour qu’il soit égal à une croche pointée:
delay time en ms = (240000/tempo)x3/16.
Prenons un exemple. A un tempo de 120BPM, si l’on applique la formule, on divise d’abord 240000 par 120 pour obtenir 2000, que l’on multiplie par 3/16. Le résultat est 375ms.
Voici un exemple à 120BPM :
Et voici exactement la même chose « augmentée » par un delay réglé à 375ms, 3 ou 4 répétitions et mix à 50%. J’ai utilisé le delay intégré à mon enregistreur Boss Micro-BR, le feedback est à 13 pour ceux que ça intéressent :
Assez cool, non ?!
Un certain nombre de pédales modernes, et parmi les plus onéreuses, permettent d’obtenir cet effet en « temps réel » et sans connaître le tempo à priori, grâce à deux innovations majeures : le Tap Tempo et la possibilité de choisir une subdivision « musicale » du delay time, comme une croche pointée par exemple. Le Tap Tempo permet de littéralement taper en rythme sur une pédale de façon à régler le temps de délai à la volée. Donc sur ces modèles, vous choisissez « croche pointée » (dotted eighth en Anglais) et vous tapez avev votre pied en rythme et coilà, effect rythmique à la croche pointée instantané et sans trop d’effort.
Parmi ces pédales magiques, l’on trouve les modèles suivants : le BOSS DD-20 Gigadelay, le Line 6 Echo Park, le TC Electronic Nova Repeater ou encore le modele boutique super haut de gamme Providence CHRONO DLY-4. Notez que beaucoup de pédales offrent une fonctionnalité de Tap Tempo mais elles ne permettent pas toutes de choisir une « subdivision musicale ». Pour les utilisateurs de BOSS DD-7, sachez qu’il est possible de sélectionner un nombre limité de subdivisions musicales (dont la croche pointée) au moyen du bouton « mode », jetez un coup d’oeil à votre manuel.
Vous pouvez expérimenter avec d’autres subdivisions musicales que la croche pointée mais si je l’ai choisi plus particulièrement, c’est parce qu’on peut l’entendre sur nombre de morceaux. Pour finir, voici deux sites en Anglais traitant de l’utilisation du delay en vue d’effets rythmiques : une étude de l’utilisation que The Edge fait du delay par Tim Darling et une page plus générique par David Battino.
Rendez-vous prochainement pour la deuxième partie de cette série de billets dédiés à l’utilisation du delay : nous y parlerons de gros son !