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Le son d’Eric Clapton, deuxième partie : les années Fender

Dans un billet précédent, j’ai exploré le son d’Eric Clapton au début de sa carrière. Après avoir participé à l’enregistrement de certains des plus importants albums britanniques de l’époque en y apportant son gros son de guitare bien Gibsonien, Clapton a étonné plus d’un fan quand il passa sur Fender Stratocaster. Ce fût en 1970 lors des sessions pour « Layla ».

Je tenterai de reproduire un peu le feeling du son Clapton/Stratocaster dans une vidéo à la fin de ce billet mais parlons d’abord du matos du maître entre 1970 et aujourd’hui.

La Stratocaster Clapton

Peu de temps après être passé sur Fender, Clapton assembla sa propre Stratocaster en utilisant les composants de différentes guitares. « Blackie », puisque c’est ainsi qu’il la nomma, était née. Il s’agit probablement d’une des Stratocasters les plus célèbres de l’histoire. Clapton en tira des sons cristallins et brillant jusqu’à ce qu’elle montre des signes de fatigue.

Ainsi, en 1985, Fender approcha Clapton pour discuter d’un éventuel modèle de Stratocaster il apposerait sa désormais légendaire signature. Après avoir testé divers composants et forme de manche, la Stratocaster Eric Clapton vit le jour avec les caractéristiques suivantes : manche au profil en V, micros Lace Sensor Gold (comme sur la Strat plus de l’époque) et un circuit de boost « actif » intégrée à la guitare, principale innovation de ce modèle.

Ce circuit, que Clapton appelle un « compresseur » bien qu’il n’en soit pas un, offre un boost dans les médiums assez monstrueux de 25dB. L’idée derrière ce booster était de permettre à Clapton de retrouver les sons plus gras et le sustain des guitares à double bobinage de ses débuts. 26 ans plus tard, la Stratocaster modèle Clapton est toujours fabriquée. Certaines caractéristiques ont changé comme les micros qui sont maintenant des Fender Noiseless mais le manche et le circuit actif de boost sont toujours présents.

J’insiste sur le circuit de boost dans les médiums (ou mid-boost) car il est unique à ce modèle de série à ma connaissance et si vous avez une Strat, il y a des chances pour qu’elle en soit dépourvue.

La Stratocaster modèle Clapton en 2011

C’est une opinion personnelle mais je trouve que depuis que Clapton a ce circuit de boost, il a peu à peu arrêté d’utiliser le son cristallin dont il était friand dans les années 70 pour un son plus épais. Autre observation personnelle, sur le DVD des retrouvailles de Cream en 2005, j’ai été assez surpris de voir qu’il affectione particulièrement la position milieu sur le sélecteur de micro, position qui n’a en général pas la faveur des guitaristes.

Amplis et effets

Comme à peu près tout le monde, dans les années 80, Clapton a utilisé pas mal de matos et d’effets, en particulier des amplis Soldano et quelques modèles d’effets en rack comme le rarissime CS5 Tri Stereo Chorus que l’on semble entendre beaucoup sur la vidéo du concert « Eric Clapton and Friends » enregistrée en 1986.  La deuxième moitié des années 80 est un peu une période à part en terme de son pour Clapton car il n’aura jamais eu autant de matos. Dès le début des années 90, au désarroi de certains fans qui aimaient et aiment toujours ce son plus sophistiqué, Clapton revient à un système beaucoup plus simple.

De nos jours, il utilise principalement son modèle Stratocaster signature, une wah wah vox et un ampli ré-édition Fender Custom Shop du Twin 1957 en finition Tweed. Il a aussi une cabine Leslie (ampli à haut parleur rotatif) et un switch lui permettant de passer de l’ampli Fender à la Leslie. Et c’est tout… Notez que vous pouvez trouver des infos sur le matos de Clapton mises à jour régulièrement ici (en anglais).

Le Fender Custom 57 Twin Tweed Reissue - L'ampli favori de Clapton à l'heure actuelle

Cela signifie que la saturation dans le son de Clapton provient de l’ampli, probablement réglé à fond (bonjour le volume) allié au circuit de boost dans les médiums de sa guitare qui va pousser l’ampli. Juste en manipulant les contrôles de sa guitare, il peut passer d’un son quasi clair (en réduisant le volume et le booster) à un son gras, saturé et plein de sustain (en poussant le volume et le booster).

Et n’oublions pas le style du maître, plein de nuances dans l’attaque du médiator, ce qui va moduler le taux de saturation. Essayer de sonner un peu comme Clapton est une bonne façon de se rendre compte que presque 50 ans plus tard, comme certains graffitis le proclamaient à Londres, « Clapton is God » (Clapton est dieu).

Approcher ce son à bas volume

La meilleure façon d’approcher le son de Clapton serait d’utiliser son modèle signature et un ampli Custom Shop Tweed Twin 1957, réglé à fond. Sans même parler du prix de l’ensemble (l’ampli a un prix public de 4000 Dollars soit à peu près 3000 Euros), le volume pourra rendre la chose difficile dans une petite salle de répète ou votre chambre.

J’ai donc décidé d’adopter une approche basée sur l’utilisation d’une Stratocaster « normale », sans booster, et d’un ampli peu puissant réglé en son clair (mon Fender Champ 5W), avec deux pédales d’overdrive. La première, une Tube Screamer Ibanez modèle TS9 modifiée par Analogman fournit le son « de base », couplée à l’ampli en son clair. La seconde, une Boss SD-1, est placée avant la TS9 et servira de booster, de façon à essayer de reproduire l’effet produit par le booster intégrée à la Stratocaster modèle Eric Clapton.

Je montre le résultat dans cette vidéo où je passe d’un son clair, à un son légèrement saturé (TS9) puis à un son beaucoup plus saturé (SD1 + TS9). Vers la fin, je joue sur le bouton de tonalité du micro grave de façon à me rapprocher un peu du « Woman Tone« , décrit dans mon post précédent.

La guitare utilisée sur cette vidéo est une Stratocaster Custom Shop American Classics équippée de micros Kinman à réduction de bruit, modèles AVn Blues. L’ampli est mon bon vieux Fender Champ de 1974 réglé en son clair (volume à 2,5). Notez que son petit haut parleur de 8 pouces ne transcrit que peu de fréquences graves mais le son Fender claquant est bien présent.

J’ai reçu des commentaires à propos de mon utilisation d’une réverb ajoutée dans Cubase sur ma vidéo précédentes. J’ai donc décidé de laisser le son plus sec sur celle présente dans ce billet, aucune réverb n’a été ajoutée ! J’écrirai un billet plus complet à ce sujet.

Retour vers le futur: le matos de Steve Lukather dans les années 80

Alors que je cherchais des informations sur le son de Clapton et plus particulièrement sur un modèle de chorus en rack légendaire, le CS 5 Tri Stereo Chorus, je suis tombé sur cette vidéo des années 80 où Steve Lukather nous montre son abondant matos (an anglais). Autant dire que je n’aurais pas aimé être un roadie à l’époque :

Quant au Tri Stereo Chorus que l’on voit brièvement dans la vidéo, il vit encore dans certains produits Line 6 qui le modélisent, notamment la pédale de chorus « Space Chorus« .

Bonne année !

Un billet rapide pour dire adieu à 2010 et bonjour à 2011. Attendez-vous à toujours plus de sons et d’infos guitare sur Guitar Tone Overload.

Dans les semaines à venir, je compléterai une mini série de deux billets dévolue au son d’Eric Clapton, j’organiserai un match entre la Boss DS-1 et deux de ses plus célèbres modifications et, enfin, j’évoquerai le rôle de la réverb en live et en studio.

Passez un excellent début d’année et à très bientôt !

Le son d’Eric Clapton première partie : les années Gibson

Le suivant dans ma série « le son de » est Eric Clapton, une légende que l’on ne présente plus. En fait de son, je devrais plutôt évoquer les sons d’Eric Clapton. En effet, Slowhand, un de ses nombreux surnoms, a eu deux périodes bien distinctes en terme de matos, et donc de son : une période « Gibson » du début de sa carrière dans les années 60 jusqu’au début des années 70 avant d’adopter dans un deuxième temps la Fender Stratocaster, guitare qu’il utilise toujours actuellement.

Eric Clapton and his SG - Picture Courtesy of Gibson.com

Ce premier billet d’une série de deux est consacré aux années Gibson. Je vais essayer de vous montrer comment approcher le son d’Eric Clapton à un niveau sonore raisonnable ce qui n’est pas simple étant donné la propension du maître à utiliser des gros amplis sans master volume et réglés le plus fort possible. Et n’oublions pas que, pour une grande partie, le son est dans les doigts et dans la maîtrise de l’instrument. Mais parlons tout d’abord de ses guitares et de ses amplis.

La naissance d’un classique : Gibson et Marshall

L’album qui a vu exploser Clapton est bien sûr le « John Mayall and the Bluesbreakers with Eric Clapton » aussi appelé « The beano album » du nom de la bande dessinée que Clapton lit sur la pochette. Cet album est sorti en 1966 et le son de guitare y était assez révolutionnaire pour l’époque. En effet, Clapton fût l’un des premiers à utiliser une Les Paul (modèle peu populaire à l’époque) branchée dans un ampli Marshall JTM45 réglé « à fond » de matière à le faire saturer. Le résultat était un son bien gras devenu un classique absolu par la suite.

A l’époque, Marshall était une marque inconnue et le JTM 45, surnommé plus tard « Bluesbreaker » du nom du groupe dans lequel officiait Clapton, en fût le premier modèle. Il était de surcroit très inspiré des modèles Fender. La paire classique Gibson/Marshall vivait ses premières heures et Clapton fût l’un de ceux qui la popularisèrent. Il y a des anecdotes (ou plutôt des légendes ?) qui affirment que l’ingénieur du son enregistrant Clapton l’aurait trouvé bien trop fort et lui aurait demander de baisser le volume ce qu’il refusa de faire étant donné que cela aurait baissé le taux de saturation. En effet, sur un JTM45 comme sur la plupart des amplis vintage, le volume et le gain sont contrôlés par le même bouton.

Le « Woman Tone »

Après le succès du JTM45, Marshall répondit aux aspirations de nombre de guitaristes de disposer d’amplis plus puissants et le Marshall 2 corps 100W était né. A l’époque, les sonos n’étaient pas assez puissantes pour reprendre les guitares donc les guitaristes avaient besoin d’amplis à fort volume pour se faire entendre dans des grandes salles. Cela explique pourquoi certains groupes n’hésitaient pas à utiliser plusieurs 100W Marshall sur scène (après, on s’étonne de la prévalence de la surdité chez les rockeurs de plus de 60 ans).

Après les Bluesbreakers, Eric Clapton rejoint Cream, groupe mythique s’il en est. Sa Les Paul fut volée au début de l’aventure et il passa sur une ES335 et une SG à la peinture psychédélique. En utilisant ces guitares avec un deux corps Marshall à fond, Clapton créa ce que l’on a appelé plus tard le « Woman Tone » en jouant sur le bouton de tonalité des micros. A cet époque, il utilisa également un effet entièrement nouveau, la wah wah. Voici une interview du guitariste anglais réalisée en 1968 dans laquelle il explique le « secret » de ce son (en anglais) :

Ce que je trouve frappant dans cette vidéo m’est pas tellement la coiffure ou la superbe moustache de Clapton mais cette réverb qu’on peut entendre dans le son de guitare. Sachant qu’à ma connaissance les Marshall d’époque n’avait pas de réverb intégrée, s’agit-il d’une réverb de studio à plaques ? Ou juste le son de la pièce dans laquelle les amplis sont placées ? Mystère…

J’ai essayé d’approcher ce son en utilisant un petit ampli Fender Champ réglé en son clair, une wah wah Morley et une pédale d’overdrive, une Ibanez TS9 Tube Screamer modifiée par Analogman. Pour me rapprocher du son de la vidéo précédente,  j’ai ajouté, après coup, une réverb de type « plate » (à plaques) dans Cubase 5. J’ai utilisé pour cela le plugin Reverence avec le preset « Vintage Plate Reverb 2s ».

Je trouve que cette approximation du « Woman Tone » fonctionne mieux avec le micro grave de ma Gibson SG 61 Reissue mais cela reste intéressant avec le micro aigu ou les deux micros ensemble. Voilà le résultat dans une courte vidéo :

L’ampli était réglé en son clair (Volume à 2,5) et les réglages sur la TS9 modifiée par Analogman étaient les suivants : Drive à 3h, Tone à 9h et Level juste au-dessus de midi. La wah wah était branchée avant la Tube Screamer et l’ampli était repris par un micro RODE NT4.

C’est tout pour aujourd’hui, à vos Gibson ! Dans le prochain billet consacré au son de Clapton, nous parlerons de Stratocasters !

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