Dans la première partie de cette série de billets dédiés aux effets de modulation, j’ai évoqué le phaser. Dans cette deuxième partie, je vais vous entretenir du Flanger, ou Flanging, effet que nous entendons dans nos enregistrements préférés depuis les années 60. Nous allons voir l’utilité de cet effet pour nous, guitaristes, et dans quels styles il est plus souvent employé.
Comme d’habitude, je vous ai préparé quelques vidéos pour lesquelles j’ai concocté quelques réglages goûteux pour mon bon vieux Boss BF-2.
D’où vient le Flanger ?
L’effet de Flanging trouve son origine dans les expérimentations de studio des années 60, en particulier en Angleterre. Pour le générer, on enregistrait puis jouait le même morceau en utilisant deux magnétophones simultanément. Un troisième magnétophone enregistrait le résultat. Puisque deux magnétophones analogiques sont toujours un peu désynchronisés, le fait de lire le même morceau sur deux d’entre eux créait un effet de phasing.
Mais certains ingénieurs du son de l’époque poussèrent l’expérimentation un peu plus loin en pressant sur le bord du cylindre d’entraînement de la bande (appelé flange en anglais) de façon à ralentir la lecture de l’un des magnétophones. Le décalage entre les deux magnétophones devint ainsi plus prononcé et ressemblait au son d’un avion à réaction qui décolle. Cet effet fût nommé Flange en référence à la partie du magnétophone qui était utilisé pour le créer.
Il fût d’abord utilisé sur des mixes entiers plutôt que sur des instruments séparés. Le premier exemple de Flanging stéréo de l’histoire se trouve à la fin de « Bold as Love » de Jimi Hendrix.
Les progrès de l’électronique permirent de se passer d’encombrants magnétophones pour recréer cet effet : les pédales Flanger étaient nées. Le truc utilisé pour générer l’effet est d’utiliser un delay très court associé à un oscillateur qui varie légèrement le temps de delay pour créer une oscillation. D’ailleurs, vous pouvez faire l’expérience de régler votre pédale de delay avec un temps de delay très court (1 ms), vous verrez que ça sonne un peu comme un flanger quoiqu’il manque l’oscillateur.
Réglages courants
La plupart des Flanger comportent au moins deux réglages : Depth et Rate (ou Speed). Depth règle l’intensité de l’effet tandis que Rate (ou Speed) règle la vitesse d’oscillation.
Le Boss BF-2 que j’ai utilisé pour produire les vidéos de démonstration plus bas est plus complexe et comportent deux autre réglages en plus de Depth and Rate : il s’agit de Manual and Res.
Res est un réglage de résonance qui peut aussi être appelé Regen ou Feedback selon les modèles. Il permet de ré-injecter le signal déjà « flangé » dans le circuit de façon à encore augmenter l’intensité de l’effet. Le réglage « Manual » est propre au BF-2 et il semblerait qu’il permette de régler le temps de délai.
Un petit conseil concernant les pédales comportant beaucoup de réglages: commencez par mettre tous les boutons à la moitié et ajustez ensuite.
Flanger et son clair
Les pédales de Flamging ne sont devenus courantes qu’à la fin des années 70 et il faut reconnaître que les guitaristes de rock en devinrent les principaux utilisateurs. Avant de vous montrer comment il peut grossir votre son saturé, je vais évoquer le cas de son utilisation en son clair.
Si vous êtes de la même génération que moi, un son clair avec Flanger va vous transporter directement au début des années 80. En effet, les groupes « new wave » comme « The Cure » ou plus pop comme « The Police » étaient très friands d’effets de modulation tels que Chorus et Flanger pour donner un côté éthéré à leurs accords et arpèges comme je le démontre dans cette vidéo. Les vitesses d’oscillation rapides comme lentes sont intéressantes. Notez également que le Flanger peut s’avérer utile pour les plans Funk :
Matos utilisé pour la vidéo: Fender American Classics Stratocaster équipée de micros Kinman AVn Blues à réduction de bruit, ampli Fender Champ de 1974 (Volume à 2, Basse à 10 et Treble à 2.5).
Pour finir sur l’utilisation du Flanger en son clair, je vous conseille également de vous référer à un des tous premiers billets de ce blog qui était consacré au son de Robert Smith de The Cure. J’avais à cette occasion enregistré cette petite interprétation de l’intro et du solo de « A Forest »:
Flanger et distorsion : avant ou après la distorsion ?
Eddie Van Halen est connu pour son utilisation du phaser surtout sur les premiers albums du groupe mais il fût un peu plus tard très friand de son Flanger MXR. « Unchained » est un exemple de morceau ou le Flanger magnifie les gros riffs.
Brian May, des Queen, est également connu pour son amour des effets de modulation, écoutez « Keep Yourself Alive » pour un bon exemple de Flanging.
Au sujet du placement du Flanger dans la chaîne d’effet, il y a deux possibilités : avant ou après la distorsion/overdrive. En général, il est placé après mais certains guitaristes préfèrent le placer avant, Prince par exemple. Je vais vous montrer la différence entre ces deux placements dans les vidéos qui suivent.
Commençons par le cas classique du Flanger placé après la distorsion. Je montre ici trois réglages sur mon Boss BF-2. Vous remarquerez que plus le réglage de « Depth » (intensité) est élevé, plus le volume augmente. C’est un phénomène assez classique et plus ou moins prononcé selon les modèles. En effet, le Flanger, tout comme le Phaser d’ailleurs, tend à créer par nature des oscillations du volume.
Le premier réglage de la vidéo montre comment une vitesse (« Rate », troisième bouton en partant de la gauche) relativement lente permet de grossir le son des accords. Lorsque l’on augmente la vitesse et l’intensité, l’effet de grossissement du son est moins flagrant et on s’approche presque du son d’un orgue :
Matos utilisé pour la vidéo: Fender American Classics Stratocaster équipée de micros Kinman AVn Blues à réduction de bruit, ampli Fender Champ de 1974 (Volume à 2, Basse à 10 et Treble à 2.5). Distorsion Boss DS-1 modifiée par Analogman, Dist à fond, Tone à 8h, Level à 10h.
Et maintenant, voici comment un Flanger placé avant la distorsion sonne. L’effet est moins prononcé mais assez déjanté en même temps. Alors qu’on monte en intensité (« Depth ») et vitesse (« Rate »), on s’approche d’un son un peu « fin du monde » :
Matos utilisé pour la vidéo: Fender American Classics Stratocaster équipée de micros Kinman AVn Blues à réduction de bruit, ampli Fender Champ de 1974 (Volume à 2, Basse à 10 et Treble à 2.5). Distorsion Boss DS-1 modifiée par Analogman, Dist à fond, Tone à 8h, Level à 10h.
Quel modèle choisir ?
Ce billet vous a convaincu de l’utilité d’un Flanger mais comme toujours, il y a moult modèles en magasin. Voici une sélection avec quelques commentaires pour vous aider dans votre choix :
- Le MXR Flanger est un modèle assez mythique que MXR a ressorti il n’y a pas si longtemps. Il fût tant utilisé par Eddie Van Halen que MXR s’est senti obligé d’en sortir une version sous le nom du maître.
- Le MXR Micro Flanger est une pédale de petite taille avec seulement deux réglages que MXR réédite depuis cette année et qui semble sonner très très bien.
- Le Electro Harmonix Delux Electric Mistress est un autre modèle mythique des années 70/80 que Electro Harmonix refabrique. Il fût utilisé par David Gilmour mais aussi Andy Summers de Police. La rumeur veut d’ailleurs que beaucoup des sons clairs d’Andy Summers firent appel au Deluxe Electric Mistress plutôt qu’à une pédale de chorus.
- Le Boss BF-2 est le modèle que j’ai démontré dans les vidéos de ce billet. Il n’est plus fabriqué par Boss mais il a été au catalogue pendant 20 ans (de 1980 à 2001) ce qui signifie qu’il est assez facile à trouver sur le marché de l’occasion. Il s’agit d’un bon modèle très versatile et particulièrement à l’aise dans les sons clairs à la « The Cure », pas étonannant vu que Robert Smith l’utilise depuis toujours.
- Le Boss BF-3 a remplacé le BF-2 dans la gamme Boss. Bien que cela ne soit pas précisé sur le site de Boss, je pense qu’il s’agit d’une pédale numérique ce qui lui permet d’afficher deux caractéristiques très rares : il est stéréo et il est possible de moduler la vitesse d’oscillation en tapant sur une pédale (fonction dite « Tap Tempo »).
- L’Ibanez FL-9 est un autre modèle classique des années 80 qu’Ibanez s’est décidé à refabriquer. Il dispose d’un son très chaud et d’une personnalité propre. J’en possède personnellement un et il fera l’objet d’un prochain billet. A noter que je l’ai vu figurer dans une vidéo présentant les effets utilisés par Joe Satriani lors de sa récente tournée avec Chickenfoot (regardez vers 4 minutes 35). Maxon, le sous-traitant d’Ibanez dans les années 80, propose sa propre réédition du FL-9, je ne saurais vous dire lequel est le plus authentique…
- Une fois n’est pas coutume, on ne peut pas dire qu’il y ait foule de Flanger sur le marché des effets boutique. Quelques exemples notables : Strymon Orbit, T Rex Twister et Tonebug Chorus Flanger
Bonjour,
je découvre avec beaucoup d’intéret votre site WEB. Je dévute dans la guitare et possede un FENDER PRINCETON RECORDING AMP .
Concernant les pédales d’effets pensez-vous que je dois utiliser les fonctions Overdrive, compressor , reverb de l’ampli ou ai je une intéret à intégrer des pedales dans une boucle d’effets.
merci d’avance de votre conseil
Tout dépend de tes préférences. Utiliser des pédales te permet d’élargir ta palette sonore. Cela ne veut pas dire que c’est absolument nécessaire, nombre de grands guitaristes n’utilisent pas de pédales. Le Princeton recording a une overdrive de type « tube screamer » intégrée donc tu n’as pas nécessairement besoin d’une pédale si le son te convient. Maintenant, comme, je l’ai écrit précédemment, certaines pédales t’offriront d’autres sons.
En tout cas, si je ne m’abuse. le Princeton Recording est un super ampli avec une très bonne réverb et une overdrive intégrée de qualité, il y de quoi voir venir.
Bonjour
Article très intéressant et de qualité.
Il y a juste un petit détail qui est inexact. Rien de grave et qui ne change pas du tout la qualité général du billet.
Mais
Concernant The Cure : Robert Smith n’utilise la Boss BF2 que depuis 1984. Avant, il utilisait une MXR M117. On l’entend sur les albums « Seventeen,seconds », « Faith » et « Pornography ».
Bonjour Romain,
Ton blog est particulièrement intéressant et documenté avec beaucoup d’informations utiles et tes grandes qualités de guitariste sont très perceptibles dans tes vidéos. Bravo!
Puisque tu nous invites à te poser des questions, je me permets donc de solliciter ton avis:
– je suis guitariste dans un groupe amateur (dans le sud de la France) comprenant 3 soufflants, une rythmique complète et une chanteuse. Nous jouons jazz, R&B, funk. Pour les rythmiques funk en accords et notes je voudrais utiliser un flanger et la MXR M152 micro flanger me séduit sur le papier, d’autant plus que son tarif est raisonnable (95€ chez Thotho). Qu’en penses-tu? Quelle est l’alternative dans ce budget?
– question annexe: je possède un Koch Studiotone, excellent ampli s’il en est. Je ne l’utilise qu’en canal clair sauf exception et je voudrais mettre en V1 une lampe qui repousse les limites de la saturation (ça commence à cruncher un peu à volume 4) en ayant le son le plus chaud possible. Les lampes de puissance sont des EL84. As-tu un conseil?
Merci par avance et surtout continue comme ça!
Claude
Le micro flanger, c’est du tout bon.
Au sujet du changement de lampes, je dit attention, si le son de l’ampli te plait, je ne changerais rien et envisagerais l’utilisation d’une bonne pédale d’overdrive (Tube screamer, Boss Blues Driver, SD-1, BB Preamp, que sais-je encore).
Au sujet des alternatives au Micro Flanger, tu dois pouvoir trouver du Boss BF-3 ou BF-2 dans ces tarifs en occase sur ebay ou audiofanzine. Le Micro Flanger, c’est simple et ça sonnne, les Boss (surout le BF-2) ont beaucoup plus de réglages mais cela ne rend pas forcément la tache plus facile.
Merci pour ta réponse. Je tiens à « faire simple » et le micro flanger est donc certainement pour moi la meilleure solution.