Dans la première partie de cette série de billets dédiés à l’utilisation du delay, je vous ai montré comment créer des effets rythmiques « à la U2 » en synchronisant le delay au tempo d’un morceau. Aujourd’hui, deuxième partie de nos aventures au pays du delay avec au menu des exemples de réglages pour grossir votre son avec vidéos à l’appui. J’ai utilisé pour cela mes fidèles Boss DD-3 et Electro Harmonix Memory Man. Après les vidéos, je traite de la différence entre delay analogique et numérique, différence assez fondamentale quand vient le temps de choisir une pédale de delay.
Grossir le son avec un delay du genre « guitar hero »
C’est l’un de mes effets favoris, le type de delay dont les guitaristes des années 80 à cheveux longs étaient friands pour embellir leurs solos endiablés. Je montre ici comment l’obtenir avec un Boss DD-3 ou un Electro Harmonix Memory Man, au son plus sombre et chaud:
Son de base: Stratocaster American Classics, Micros Kinman -> Analogman TS9 -> Proco RAT-2 -> préampli Marshall JMP-1 en direct
Pour recrér ce genre de delay avec un plugin logiciel ou un multieffet, réglez un temps de délai autour de 350ms, 3 ou 4 répétitions et le level à 25%. Les résultats varient selon les équipement donc il vous faudra expérimenter un peu pour trouver les réglages qui vous conviennent le mieux et qui conviennent au morceau.
Grossir votre son: l’écho slapback
J’ai écris un billet entièrement consacré à l’écho slapback donc je vais faire figurer ici uniquement les réglages et la vidéo. Sacez seulement que l’écho slapback est l’ancêtre de tous les delays, utilisé à outrance sur les disques de rock’n roll et rockabilly des année 50. Il ne comporte qu’une seule répétition et le temps de délai est très faible. Cela peut paraître simpliste mais l’écho slapback est un outil formidable pour grossir le son :
Son de base: Telecaster 78 -> Proco RAT 2 -> Fender Champ
L’écho slapback de cette vidéo est produit par le plugin de delay intégré à Cubase 5 et voici les réglages :
Vous pouvez obtenir le même type d’effet avec un Boss DD-3 et les réglages suivants: Mode 200ms, E.LEVEL à midi, F.BACK à 9h et D.TIME à 4h. Vous pouvez faire varier le D.TIME et E.LEVEL selon votre goût. Dans le cas d’un multi-effet, réglez le temps de delay entre 70 et 200ms et le « feedback » de façon à n’obtenir qu’une seule répétition.
Grossir votre son: le delay multitap
Si un delay ne suffit, prenez-en deux… ou plus! Connu sous le nom de « multitap delay », l’utilisation de deux ou plusieurs delays en série multiplie les possibilités sonores de façon assez inouïe. Je montre ici l’utilisation d’un Boss DD-3 en conjonction avec un Electro Harmonix Memory Man. Notez que j’ai réduit le temps de délai sur le DD-3 par rapport à la première vidéo. En effet, il était trop proche de celui du Memory Man et ne créait pas assez de « remous » à mon goût:
Son de base: Stratocaster American Classics, Micros Kinman -> Analogman TS9 -> Proco RAT-2 -> préampli Marshall JMP-1 en direct
Encore une fois, expérimentez, expérimentez ! J’ai utilisé ici des réglages relativement similaires sur les deux pédales mais vous pouvez très bien mélanger un délai long avec un délai plus court. A un moment donné de sa carrière, Joe Satriani utilisait trois délais en série: un courts, un moyen et un long. Cela sonnait presque comme une réverb, mais sans réverb…
Analogique contre Numérique
Après avoir visionné ces exemples, vous avez peut-être envie d’acquérir votre premier delay, (ou votre deuxième…). Le débat analogique contre numérique fait rage, essayons d’y voir plus clair…
Les delays à bandes
Les tout premiers delays utilisaient des bandes. Ils ont même été créés en utilisant des enregistreurs de studio. Une tête enregistrait le signal pendant qu’une autre le lisait presque immédiatement après, créant un echo artificiel court à une seule répétition, autrement appelé « écho slapback ». Aussi limité que cela puisse paraître, son utilisation sur les premiers disques de rock’n roll ou rockabilly a quasiment servi de base au son de toute une époque. Il n’était d’ailleurs pas uniquement utilisé sur les guitares mais aussi sur les voix ou la batterie. A la suite des ces innovations de studio, des fabricants ont rapidement produit des delays à bandes « portables » (enfin, relativement). L’echoplex, utilisé par Jimmy Page ou le Binson Echorec, utilisé par David Gilmour sur les premiers albums de Pink Floyd, sont des modèles quasi-légendaires. Mention spéciale également à la série RE fabriquée par Roland. Une caractéristique importante des échos à bandes est que les répétitions sont un peu « dégradées » par rapport à l’originale dû à la coloration apportée par les bandes.
Les delays analogiques basé sur les composants « Bucket Brigade »
En 1969, une famille de composants électroniques appelés « Bucket Brigade » (brigade de seaux d’eau) consistèrent la première incarnation d’une « ligne de délai » analogique. Ils permirent aux fabricants d’effets de concevoir des unités de délai petit par la taille et ne nécessitant pas de bandes. La pédale de délai analogique était née ! Ne sonnant pas tout à fait comme leurs cousins à bandes, les delays analogiques présentent également une dégradation des répétitions, celles-ci étant plus sombres que l’original. Abrodables et facilement transportables, ils devinrent inséparables des guitaristes. Parmi les modèles les plus répandus, on trouve le Memory Man d’Electro Harmonix, utilisé par The Edge à ses débuts et les BOSS DM-2 et DM-3, utilisés par Satriani.
Les délais numériques
Les années 80 apportèrent leur lot d’innovation telles que les épaulettes, les coiffures improbables et les technologies audio-numériques. Celles-ci firent leur apparition dans les instruments de musique, les effets ou les enregistreurs. Les delays numériques utilisent les mêmes technologies que les échantillonneurs, ils enregistrent un signal puis le « rejoue » à intervalles réguliers. La où ils diffèrent des modèles à bandes ou analogiques, c’est dans la qualité des répétitions qui ne sont pas dégradées. Au début, tout le monde trouvait ça plutôt cool mais vous connaissez les guitaristes, certains d’entre eux commencèrent à regretter la chaleur apporter par la « basse fidélité » de leurs vieux delays analogiques. Ceci expliquent pourquoi des modèles analogiques sont toujours fabriqués aujourd’hui et qu’ils coexistent avec leurs collègues numériques. Les delays numériques avaient un autre avantage en ce sens que les modèles les plus onéreux permettaient de régler le temps de délai à la milliseconde près. C’est ce que décida des guitaristes comme The Edge ou David Gilmour à troquer les modèles analogiques de leurs début pour des modèles numériques.
Boss est la première société à avoir pu caser un delay numérique dans une pédale compacte. Ce fût en 1983 avec le DD-2, assez rapidement remplacé par le DD-3 qui est toujours fabriqué aujourd’hui ! Le DD-3 est une pédale assez simple qui ne comportent pas les raffinements tels que Tap Tempo ou subdivisions musicales que j’ai évoqués dans la première partie. Sa résolution n’est « que » de 12 bits ce qui n’en fait pas un foudre de fidélité mais je pense que cela ne nuit pas à son utilisation avec une guitare. J’aime assez mon DD-3, il ne m’a pas quitté depuis les années 90 et je dois dire qu’il s’agit d’une pédale fiable et efficace pour grossir son son que ce soit en générant un écho slapback ou un delay plus long. Boss a depuis étendu son offre avec le compact DD-7 ou le plus imposant DD-20 qui, eux, comportent toutes les sophistications que l’on est en droit d’attendre d’une pédale de delay numérique moderne.
Emulation analogique ou vrai pédale analogique ?
Un certain nombre de pédales numériques récentes permettent de simuler le son d’un delay analogique ou à bandes en recréant cette fameuse « dégradation sonore » des répétitions. Il peut s’agir d’un moyen facile de disposer de ce type de son sans trimballer un vieil écho à bandes. Boss a même poussé le vice jusqu’à recréer le Roland RE-201 dans une pédale, la RE-20. Parmi les autres modèles disposant de ce type de simulation, citons Les Line 6 DL4 et Echo Park, les tc electronic Nova Repeater et Nova Delay, les Boss DD-20 et DD-7 ou encore le tout nouveau Joe Satriani Vox Time Machine . Mention spéciale pour Ibanez dont le DE-7 doit être le moins cher du lot. Maintenant, est-ce que ces simulations sonnent aussi bien que des vrais pédales analogiques ou échos à bandes ? Peut-être pas, tout dépend de vos oreilles et de vos préférences…
Si vous voulez une vrai pédale de delay analogique, un certains nombres de fabricants « boutique » en proposent, basées sur des bon vieux composants « Bucket Brigade ». Citons les Analog Man AR20DL et ARDX20, Diamon Pedals Memory Lane 2, Retro Sonic Analog Delay, etc. Il n’y a pas que les fabricants boutique qui proposent des delay purement analogiques, n’oublions pas MXR et le Carbon Copy, Maxon et le Analog Delay Pro ou encore Ibanez et le AD-9. Enfin, légende parmi les légendes, n’oublions pas Electro Harmonix qui fabriquent toujours le Deluxe Memory Man qui a été rejoint dans la gamme par nombres d’autres modèles. Parmi eux, le Deluxe Memory Boy est un hybride qui dispose d’une circuiterie analogique mais de contrôles numériques ofrant tap tempo et subdivisions musicales, fonctionnalités en général réservées aux pédales numériques.
Delay analogique contre numérique, exemples sonores
Ne sachant pas si les vidéos au début de ce billet montrent clairement la différence entre delays analogiques et numériques, je vous ai concocté deux exemples sonores très simples.
Voici d’abord un modèle analogique, le Memory Man d’Electro Harmonix, notez la dégradation sonore des répétitions qui sont assez « sombres » par rapport à l’original. J’ai désactivé le chorus intégré au memory man pour cet exemple:
Voici maintenant peu ou prou la même chose mais avec un delay numérique Boss DD-3, on peut entendre que les répétitions sont plus fidèles ce qui donne un côté plus cristallin :
Bravo et merci pour ces deux posts sur l’utilisation des delays, très utile pour dégrossir le sujet avant de s’attaquer aux discussions (empoignades ?) sur les forums de guitaristes !
Les exemples video et audio sont bienvenus et le style de l’écriture est agréable.
J’ai beaucoup aimé cette phrase d’intro : « Les années 80 apportèrent leur lot d’innovation telles que les épaulettes, les coiffures improbables et les technologies audio-numériques. » =)
Juste un point à améliorer : pas mal de coquilles à corriger.
Voilà qui m’a donné envie de lire les autres articles du site !
Ah au fait j’ai une question. Sur les videos on vous voit jouer au casque, ce qui suggère que le signal est enregistré en sortie ligne de l’ampli.
Or le son a l’air d’excellente qualité même en saturation et j’ai lu qu’il est préférable d’enregistrer ce type de sons avec un micro placé devant le HP de l’ampli. Pour avoir fait l’essai avec un ami sur un ampli Vintage (Fender Reverb), la différence est flagrante : son « carton » en sortie ligne ; son correct avec micro pourtant pas adapté (micro chant scène).
Quelle technique utilisez-vous ?
J’ai bien enregistré les clips avec un micro placé devant mon ampli Fender Champ. C’est un ampli qui date des années 70 et qui ne fait « que » 5W. J’utilise le casque pour écouter la version « repiquée » du son. Le micro utilisé était un RODE NT4 si je me souvient bien et l’enregistreur un Boss Micro-BR.
Merci, je note pour les coquilles (j’aurais bien besoin d’un relecteur ou d’une relectrice, j’en conviens).